jeudi 17 avril 2008
Représentativité Syndicale
Nous avons assisté la semaine dernière à un spectacle étrange : la cloture des négociations sur la représentativité syndicale, avec un projet de position commune syndicats-patronats, aussitôt mis en ligne par le Medef.
Etranges furent les alliances formées en vu de ce résultat : d'un côté l'Etat, le Medef et la Cgt, de l'autre tous les autres, y compris l'Uimm qui criait du dehors.
(Sauf la Cfdt, embarrassée par ce choix cornélien, et qui ne savait plus à quelle trahison se vouer.)
Car cette position prévoit de laisser seuls le Medef et les gros syndicats négocier entre eux la situation des salariés dans ce pays.
Etrange fut la position en définitive adoptée : celle défendue par la Cgt, et qui fixe le seuil de la représentativité syndicale à 10% des voix aux élections professionnelles.
Etrange fut aussi la déclaration de la Cftc donnant un avis "plutôt favorable" à ce projet qui l'enterre : elle n'a obtenu que 6,8% des voix aux dernières élections.
Ou celle de la Cgc "favorable sous réserve" : 6,6% des voix.
Et plus étranges encore les commentaires journalistiques sur l'épuration annoncée du domaine syndical.
Ils y voyaient la promesse pour Sud et l'Unsa d'accéder à une représentativité qu'on leur avait jusqu'à présent injustement refusée.
L'Unsa : 5%.
Sud : 1,5.
C'est pas demain la veille.
Déjà la Cgc, l'Unsa, la Cftc envisagent de former un gruppetto afin d'atteindre dans les délais (5 ans) le seuil de la représentativité : ils parlent de s'unir dans une espèce de confédération.
Car il n'y a pas que la légitimité qui soit en jeu : la réforme prévoit de nouvelles modalités de financements, plus ou moins publics.
Pas de représentativité, pas un flèche.
C'est aussi simple que cela.
Et tout peut attendre, sauf le pognon.
D'où leur hâte à s'autodissoudre dans une nouvelle formation éligible à l'octroi d'indispensables subventions.
Reste un mystère : qu'est-ce qui a bien pu convaincre leurs négociateurs d'accepter un tel projet?
C'est, pour une fois, Bernard Thibault qui nous renseigne :
"Il faut sortir de ces règles hypocrites", a pour sa part tempêté Bernard Thibault, devant le congrès des métallos CGT mardi à Lyon, en accusant "l'UIMM et trois syndicats de freiner toute évolution en profondeur", visant sans les nommer FO, la CFTC et la CFE-CGC. (AFP, 20 03 08)
Où l'on retrouve, dans le front du refus, les quatre principaux accusés de l'affaire Gautier-Sauvagnac : le corrupteur, l'Uimm, et les syndicats les plus compromis, Cftc et Cgc pour l'ensemble de leur oeuvre, et FO qui abrite en son sein l'ancienne CFT.
Comme quoi le hasard fait bien les choses.
La semaine dernière, il restait encore quelques jours de négociations aux syndicats et aux patronats pour finaliser leur position.
On en était à la délicate question de la survie ou non de la Cftc et de la Cgc.
Les avis étaient partagés.
Lorsque le 9 avril, Daniel Dewavrin, prédécesseur de Gautier-Sauvagnac à l'Uimm futt entendu à la brigade financière.
Le même jour, Cgc et Cftc acceptaient le projet de position commune, sans avoir rien obtenu d'autre que ceci : la vague promesse d'un strapontin pour la Cgc, et pour la Cftc une période de transition à 8% de voix dans les branches, ce qui lui permet de sauver provisoirement la seule où elle y parvient, l'automobile.
Ainsi va le scandale Gautier-Sauvagnac, reconnu en 2002 par les services du ministre des finances de l'époque, Nicolas Sarkozy, révélé en 2007 sitôt élu le nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, et abondament dénoncé par le PS, le PC, le Medef et le gouvernement, enfin d'accord sur quelque chose.
Car tout ce beau monde partage sur le syndicalisme la même opinion : il doit être leur affaire, et non celle de forces incontrôlées.
Or que voit-on depuis quelques années?
Les plus importants mouvements de grève s'auro-organiser en Coordinations.
Les accords sociaux méprisés comme autant d'oukases patronaux.
Les syndicats avoir le plus grand mal à faire rentrer au taf les salariés en lutte.
Il serait temps que ce scandale cesse.
Comme dit le Medef, il devient indispensable de signer des accords sociaux incontestables.
(Et voyez-vous la tronche qu'avaient les accords signés par seulement lui-même, la Cgc et la Cftc? C'était à pleurer de rire.)
Afin qu'on puisse traiter ceux qui les contestent ainsi qu'ils le méritent : en hors-la-loi.
Il a donc fallu moderniser.
Congédier la vieille domesticité, inéfficace et collante, et engager, pour nettoyer les usines, un technicien de surface venu des pays de l'Est, un peu brut de décoffrage mais habitué à faire le travail (comme le prouve son curriculum vitae) : la Cgt.
Ces gens-là sont désormais dans l'Europe.
Ce ne sont plus du tout des rouges.
Ils ont rejoint en 1999 la Confédération Européenne des Syndicats, où ils ont retrouvé FO et la Cfdt.
On peut leur faire confiance.
Et d'ailleurs, s'il leur prenait l'envie de retourner à leurs anciens errements, le jeu démocratique auquel ils seront désormais soumis le leur interdirait.
Les électeurs ne sont pas des militants, ce ne sont pas des extrémistes.
Les électeurs veulent vivre en paix et gagner de l'argent.
Tout le contraire de faire grève.
De ce côté là, on est tranquille.
Régir les salariés selon les principes de la démocratie représentative, la gauche en rêvait, la droite l'a fait.
Et en effet :
si les élections servaient à quoi que ce soit, il y a longtemps qu'elles seraient interdites.
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11 commentaires:
Je ne suis pas d'accord avec cette conclusion. Les élections ont bien une utilité, mais pas celle à laquelle elle semblent répondre. En fait elles complètent notre asservissement dû à une parole dominante. Ce, par impression de vraiment choisir et, ce faisant, d'intérioriser les choix suggérés. (Cela veut dire qu'effectivement le jour où la parole sera vraiment partagée les élections pourraient être interdites!)
Parmis les idées ainsi reçues, celui de disposer, en tant que valeur, d'un pluralisme syndical. En fait, si les divergeances sont naturelles, les débats aurait bien mieux leur place à l'intérieur d'un seul syndicat, quitte à mal vivre des situations minoritaires pour certains! Le syndicalisme a été vaincu le jour de sa première scission... Laquelle avait été suggéré et même financée par ses vrais adversaires !
Je suis d'accord avec ton désaccord : c'était une boutade, pas très heureuse.
Quand aux scissions...
Le syndicalisme catholique (1884, si ma mémoire est bonne) est antérieur à la Cgt.
Quand au Grand Schisme de 1948, il a pour cause la guerre Froide : il est dirigé contre le PCF, et non contre l'unité syndicale.
Le syndicalisme de lutte a été vaincu du moment que les communistes s'en s'ont emparés, et lui ont retiré tout droit à élaborer une stratégie.
Car il y a eu, dès l'origine, deux tendances dans la cgt : le service et la révolution.
Le PC, en s'accaparant le monopole de la révolution, a rejeté la cgt vers le syndicalisme de service.
Question: les syndicats sont-ils vraiment du côté des salariés?
Ou seulement quand ça les arrangent, pour des motifs purement politiques?
Un syndicalisme trop puissant dans le publique (une véritable mafia à l'Education Nationale capable de connaitre les résultats des concours du CAPES avant la promulgation officielle!!) et peu ou pas assez de pouvoir dans le privé.
Emachedé,
Blog Cpolitic : Actualités Politiques traitées avec Humour via des affiches de cinéma détournées
http://cpolitic.wordpress.com
À cpolitic:
La seule chose sure concerne les non syndiqués : «qui ne dit mot consent»! Ces salariés sont forcément au coté de leur patron.
Les syndicats sont "les salariés" car il n'y a qu'eux qui puissent adhérer (plus les privés d'emploi et les retraités.). Ils se doivent de virer les traîtres qui, hélas, existent !
Les «motifs purement politiques» sont plutôt à chercher du coté des mauvaises langues, jamais neutres.
Affirmer que le syndicalisme soit trop puissant dans le public relève de l'ignorance ou d'une énorme exagération que seul un ministre jaloux et culotté peut essayer de faire passer... Effectivement c'est généralement pire dans le privé, voire souvent le désert !
C'est atterrant.
Cela relève de la haute trahison.
Même si on pouvait s'en douter, puisque les manoeuvres sont devenues de plus en plus évidentes ces dix dernières années.
Quant à savoir si c'est mieux d'être marginalisé dans un grand syndicat ou carrément marginalisé en tant que petit syndicat, je ne me prononcerai pas de façon catégorique, mais, ayant connu les deux, je préfère personnellement la seconde solution.
Au moins, je n'ai pas l'impression de faire partie des zombies. Ou je ne m'entends pas dire que je dois me conformer à ce qu'a décidé la "majorité", point.
Ce qui ne veut pas dire qu'on peut en faire une idée générale.
Par ailleurs, gg, je ne trouvais pas stupide ta "boutade" sur les élections.
C'est un peu ça, non? Elles décident de la représentativité d'un ordre établi sur un temps déterminé en permettant d'écarter toute autre possibilité.
Les responsables UMP, d'ailleurs, ne se privent pas de dire qu'ayant été élus par une majorité de Français, ils ont donc carte blanche et ne souffriront aucune opposition.
Quant à être supprimées si elles s'avèrent contraires aux désirs de la nomenklatura, nous avons un exemple flagrant avec le référendum sur l'Europe, non?
De plus, l'objectif du prez est maintenant de faire supprimer de la constitution l'obligation de référendum sur les questions européennes.
N'est-ce point une façon d'interdire au peuple de s'exprimer en éliminant les consultations qui risquent de les désavouer?
Enfin, c'est mon humble avis et je ne suis pas du tout spécialiste en la matière.
Je suis d'accord, dire que le syndicalisme est trop puissant, c'est une aberration.
C'était le seul contre-pouvoir efficace.
Et c'est justement parce que les mouvements sont désormais systématiquement affaiblis par les caciques des organisations syndicales que peuvent se multiplier les attaques actuelles contre les droits des travailleurs.
Emcee, je n'arrive plus à accéder à ton blog, depuis deux jours.
A part ça tu deviens plus anar que moi : c'est vrai que je ne pensais plus au referendum, que notre démocratie n'utilise habituellement qu'en plébiscite, et pour une fois que, pour une question lointaine et qui ne touche pas directement à leur pouvoir, ils font semblant de nous demander notre avis, patatras! On les déçoit! Et ils nous privent de jouet.
La question syndicale est plus complexe que ça : le syndicalisme des origines, avant l'AIT en 1864, est corporatif, et les deux tendances du syndicalisme, cogestionnaire ou révolutionnaire ont toujours existé. Aujourd'hui il est tout entier réformiste, mis à part les deux Cnt (mais s'agit-il de syndicats?): ne te fie pas à Sud, ils sont dominés par là Lcr, c'est peut-être plus sympa que le PC, mais c'est la même appréhension du syndicalisme.
A la création de la Cgt, il y a eu débat pour savoir si l'on ferait des grèves pour des objectifs limités ou si l'on préparait celle du Grand Soir.
Il a été décidé qu'on ferait ces grèves limitées pour s'entrainer à celle du Grand Soir.
Or cette ligne a changé, oh combien, sans que débat ait eu lieu, avec ses conséquences en 68, par exemple, où la cgt était la première ennemie de la grève. Et aujourd'hui de nouveau, la ligne de luttes partielles à changé pour une ligne cogestionnaire sans que débat ait lieu.
Tel est le problème : non celui d'une trahison, mais celui du contrôle des syndicats par des gangs organisés travaillant pour des mafias politiques.
Mon blog est toujours accessible, mais l'hébergeur est facétieux et, donc, parfois, il y a des ratés (ils sont toujours en train de changer des trucs dont je n'ai aucune idée et dont je ne vois pas le résultat). Mais, de toute façon, il n'y a pas de nouveautés. pas eu le tps. Peut-être d'ici ce soir.
Quant à être "plus anar" que toi, pas possible, je n'ai pas fait "mes classes". Mais je me rapproche de plus en plus de certaines de leurs positions.
Ca, c'est sûr. Savoir lesquelles, je ne saurais te dire précisément.
Ce que je reproche aux anars, c'est que c'est trop compliqué pour mon cerveau de piaf, leurs argumentations politiques. Et si tu as deux anars dans une pièce, tu ne sais plus à quel saint te vouer à la fin de la soirée. Alors, autant te resservir un jaune. Ca favorise l'alcoolisme. C'est pas bien. ;-D
Pour ce qui est de Sud, c'est un peu vite dit, que c'est dominé par la LCR. Non?
Dans mon coin de paradis (oui, je sais, ce n'est pas un critère national), à Sud-éduc, par ex, il n'y a pas de LCR. Des alters, des anciens PC et des sortes d'anars, plutôt. Mais tout le monde est pratiquement sans étiquette politique définie. Des "déçus de", quoi.
La LCR, ici, ils sont plutôt à la cégète ou à la FSU. Etonnant, non?
Je te remercie pour tes explications, par ailleurs très claires, mais j'espère qu'elles seront plus profitables à tes lecteurs avisés qu'à moi-même: je n'arrive pas à réfléchir à la question.
Moi, c'est pour râler que je suis en première ligne ;). Après, les tenants et aboutissants j'ai du mal à les analyser.
Mais c'est bien qu'on m'explique.
"Le PC, en s'accaparant le monopole de la révolution, a rejeté la cgt vers le syndicalisme de service."
Il n'est absolument pas interdit de refuser que le PCF "accapare" comme tu dis, le "monopole de la révolution"! D'abord il n'y a pas de "monopole de la révolution mais j'imagine que tu en seras d'accord (et je rajoute: c'est tant mieux) et ensuite, si AU MOINS ce que tu dis était vrai :)
Bref, résistance au réformisme sur tous les fronts à la CGT au PCf, partout!
Très sympa cette première visite sur ton blog j'aime bien le dernier txt.
Fraternellement
La Louve
La Louve, le réformisme au PC, à la CGT n'est pas un front mais la réalité quotidienne de ces organisations, fonctionnant avec des directions essentiellement cooptées. Comment y résister?
Aux moments cruciaux, elles savent briser les résistances.
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