jeudi 29 novembre 2007

Gautier-Sauvagnac Le Retour


A Sébastien Fontenelle, aux bons soins du blog Vive Le Feu!

Cher Maître,

Je m'honore de figurer au nombre (toujours croissant) de vos admirateurs.

C'est pourquoi, à la lecture des louanges que vous faisiez, ce 24 novembre, de l'hebdomadaire Marianne et des sensationnelles révélations qui s'y trouvaient...

(Je reprends mon souffle)

... je courus au kiosque le plus proche afin d'y acquérir le brûlot tout plein de kahneries que vous recommandiez.

Il s'y trouvait, promettiez-vous, un scoop courageux concernant Sarkozy et Gauthier-Sauvagnac, que notre prézydent aurait protégé.

C'est vous dire ma déception en tombant sur l'article.

L'essentiel du scoop tenait en la réitération d'une info parue le 26 septembre (ou quelques jours plus tard, je n'arrive plus à mettre la main dessus) dans le Figaro et reprise ici et là, par exemple le 23/10 sur le site de France 2

Pourquoi l'Etat a-t-il attendu le 26 septembre 2007 pour saisir la Justice ? L'existence d'une caisse noire et de retraits de grosses sommes en liquide par M.Gautier-Sauvagnac, le patron de l'UIMM, sont connus depuis longtemps, au moins depuis 2004. À l'époque, la BNP alerte Tracfin de ces retraits soupçonneux. Tracfin enquête avant de transmettre ses conclusions au ministère des Finances. Pourtant ce dernier ne communique l'information à la Justice qu'en 2007, à l'initiative de la ministre Christine Lagarde. Que s'est-il passé entre 2004 et 2007 alors que, rappelons-le, Nicolas Sarkozy et Thierry Breton étaient ministre des Finances ?
Eric Decouty, journaliste au Figaro et auteur du premier article sur le sujet, insiste sur ce point : «
Cette information n'arrange personne, deux ministres des Finances se sont assis dessus et ont empêché que la Justice s'en saisisse, Nicolas Sarkozy et Thierry Breton ont couvert une information atomique. »

ou ici-même, sur le blog de votre serviteur, le 7/10 :

(...) l'affaire avait été ficelée et tenue sous le coude depuis 2005.

Par le ministre des Finances de l'époque, Nicolas Sarkozy.

Et d'ailleurs, l'enquête de Tracfin a été diligentée, nous apprend le Figaro, «sous les regards attentifs des trois derniers ministres, Nicolas Sarkozy, Thierry Breton et Christine Lagarde».

Je subodore, cher Maître, que le Figaro n'est pas la plus quotidienne de vos lectures.

Elle n'est pas la mienne non plus.

Mais pourquoi garder envers Marianne de coupables faiblesses?

Il n'y a pas que du second degré dans le constant mauvais goût que cet hebdomadaire affiche.

Il y a aussi une entreprise décidée de crétinisme, menée par des experts.

Vous déploriez aussi, cher Maître, que Libération n'ait pas repris l'info réchauffée de Marianne.

Pourquoi s'en étonner?

Ils ne l'avaient pas reprise non plus à l'époque où le Figaro l'avait sortie.

Manifestement elle ne les intéressait pas.

Et, j'ose à peine le souligner, Marianne non plus.

Cette info ne l'intéressait pas.

Puisqu'elle ne la livre à son public que fin novembre.

Enveloppé dans une belle histoire que je résume, pour ceux qui ne la connaissent pas :

1/ En 2004, Tracfin informe Sarko, ministre des Finances, de manips louches quand à la thune de l'IUMM.

2/ Aussi sec, Sarko étouffe l'affaire.

3/ Car les patrons sont ses amis.

4/ En 2007, élu prézydent, il décide d'arrêter les conneries (il a peur qu'elles lui retombent dessus), et demande à Lagarde de transmettre le dossier au Parquet.

Et je ne résiste pas au plaisir de vous faire l'épilogue que Marianne, toute occupée d'exclusivités, n'a pas eu le temps d'écrire :

5/ Aussitôt, la feuille insurrectionnelle Figaro, informée par des fonctionnaires secrètement acquis à la Cause du Peuple, fait éclater le scandale.

Vous l'avouerai-je, cher Maître?

Un détail me navre, de ce convaincant exposé.

C'est la supposition selon laquelle notre courageux Prézydent aurait agit dans cette affaire par peur qu'elle ne lui retombe dessus.

Je ne vois pas pourquoi.

La mission de Tracfin est d'enquêter sur le blanchiment d'argent sale et le financement du terrorisme.

Personne, à ce jour, n'a soupçonné l'IUMM de faire sa thune avec les trafics illégaux de la drogue, de la prostitution, ou des armes.

(Il est au contraire notoire que lorsque le patronat se livre à ces activités, c'est, la plupart du temps, en toute légalité.)

Ni de financer Al-Qaïda.

Le ministre des Finances Nicolas Sarkozy aurait pu demander à Tracfin, qui dépendait de son autorité (et ne dispose en tout que de 70 fonctionnaires), d'arrêter d'errer en investigations vouées à l'échec (quand au but de Tracfin).

Or il les a permises, sinon encouragées.

Et en 2007, alors que nul délit n'est constaté (les syndicats, dont l'IUMM, ne sont pas astreints à justifier leurs comptes), il fait transmettre en Justice, pour complément d'enquête et mise en examen, si besoin est.

Nulle trace de trouille, dans le comportement de notre prézydent.

Mais une vigueur, un allant, qui font une nouvelle fois honneur à sa réputation de bravoure.

C'est peu dire qu'il n'a pas étouffé l'affaire : il aura été le premier à dénoncer des pratiques qui duraient, tiens, qui duraient depuis quand, déjà?

Selon Yvon Gattaz, de l'Institut :

"Il faut appeler un chat, un chat. (...) Il était de tradition dès 1884 qu'il y eût une caisse qui alimentait les syndicats" .

Ça ne nous rajeunit pas.

Vous m'objurguerez qu'elle n'a pas alimenté que les syndicats, cette caisse.

Et qu'outre l'arrosage d'organisations syndicales particulièrement bien-pensantes, elle a servi à financer campagnes électorales, partis politiques, et corruptions diverses parmi lesquelles (tiens! Les revoilà!) celles de syndicats et responsables syndicaux.

Je reconnais bien là, cher Maître, tout l'aigü des protestations émises par la gauche domestique depuis le début de cette malheureuse affaire Gauthier-Sauvagnac.

Mais nous vivons, hélas, dans un monde injuste.

Ce n'est pas à toutes les corruptions que s'intéresse l'enquête en cours, mais principalement à la corruption syndicale.

En effet.

Elle s'intéresse aux fonds retirés depuis l'année 2000 : à cette date, la corruption politique n'est plus ce qu'elle était (les partis sont financés, et le Medef est au pouvoir), tandis que celle des syndicats se porte comme un charme (la réforme de leur financement n'est prévue qu'en 2008, et leur participation au pouvoir n'est touours pas finalisée).

C'est pourquoi les journaux attachés à la gauche de compagnie, et qui défendent l'honorabilité des syndicats représentatifs (toujours préférables aux coordinations de grévistes et autres CNT-AIT) ne tiennent pas beaucoup à s'étendre sur les fastes et les frasques de l'affaire Gauhier-Sauvagnac.

Ils préfèreraient limiter tout cela à une affaire de droit commun.

Si seulement Gauthier avait pu s'en mettre un peu plein les fouilles!

Pas grand chose, tiens.

Une note d'hôtel aux Bahamas.

Une chambre en ville, avec un miroir au plafond.

Quelques liasses qui s'égarent.

Ça suffirait.

On pourrait expliquer la disparition de 26 millions d'euros par celle de 260 000 dans la fouille à Sauvagnac.

En extrapolant un peu.



Marianne, cher Maître, n'est pas tout à fait un hebdomadaire de gauche.

C'est pourquoi elle n'a pas peur d'y aller sur cette affaire.

Mais son lectorat n'est pas tout à fait à droite.

Elle y va donc molo, en en faisant, elle aussi, une affaire de personnes.

Avec en guest star Nicolas Sarkozy, protecteur des maffias (ça crédibilise le truc).

Et pendant que le bon peuple se touche un peu en regardant ailleurs, le prézydent tient les acteurs sociaux par les couilles.

Le corrupteur, bien sûr (ne saviez-vous pas que l'Iumm, de concert avec l'autre gérant de l'Unedic, la Cfdt, voulait s'opposer à la fusion des Anpe avec les Assedic?),

les corrompus, ensuite (vous n'imaginez pas le nombre de syndicats qui sont concernés par les négociations de branches)

puisqu'en ce moment, justement, on réforme, à donf et à la baisse, les droits sociaux des salariés.

Et qu'on va réformer (en mars prochain?) la situation légale de tous les syndicats.

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