Manuel Valls est un malin.
Pendant que ses petits camarades s'escagassent à entretenir le suspense, question retraites, Manuel, de son côté, leur casse la baraque.
Bref rappel des faits : Nikolas veut niker les régimes spéciaux.
Aussitôt s'enflamme le pays syndical et socialiste, conduit par un barbu notoire, qui ressemble un peu à Marx et Bakounine (ou Ben Laden, si vous préférez) : François Chérèque.
Oh ce n'est pas que la critique soit féroce sur le fond!
Ooooh que non.
Le fond, vous savez ce que c'est, ça va, ça vient, c'est jamais le même.
Mais sur la forme, y a pas de doute, ça va chier.
Les syndicats, et tout le PS derrière eux, exigent la négociation.
C'est un point sur lequel ils ne transigeront pas.
La négociation ou la mort!
Et tandis que le Grand Méchant Fillon s'approche de la baraque en paille des petits cheminots en hurlant « Ouvrez-moi ou je passe en force! », les syndicalistes, faisant un barrage de leurs corps, rassurent le prolétariat menacé et tremblant : « N'ayez pas peur, les enfants, on le forcera à négocier, ce brutal, restons bien tous ensemble. »
Tous, vraiment?
Mais que fait donc Manuel Valls, caché derrière un buisson?
Des déclarations.
Celle-ci, par exemple :
« L'allongement de la durée de vie rend inéluctable la hausse du nombre d'années de cotisation et les régimes spéciaux doivent être alignés sur le régime général (...)»
Ou encore :
"C'est d'abord une question d'équité (...) et puis c'est une question financière parce que demain il y aura pour ces régimes beaucoup plus d'inactifs que d'actifs"
Car Manuel Valls compte bien être demain prophète en son pays, le PS, qui est le Parti spécialiste des questions d'équité.
Il sait bien que le gouvernement s'en arc-boute, des régimes spéciaux.
En tous cas, s'il veut se les faire, c'est pas pour la thune...
Les mineurs sont morts : il ne reste que les veuves, il sera difficile de les euthanasier.
Les gaziers et les électriciens vont être privatisés : ils se démerderont avec leurs employeurs.
La Poste, c'est réglé depuis 1993.
Les keufs et les trouffions? Vous voulez rire... Il n'en est pas question.
Restent quelques broutilles rigolotes (curetons, clercs de notaire, députés, sociétaires de la Comédie Française).
Et les transports en commun.
Nous y voilà!
On en arrive aux syndicats! dont on peut dire que, de leur côté, ils s'en foutent bien, des retraites.
Ils n'auraient pas, sinon, utilisé tant d'énergie à contenir et arrêter les grèves de 2003.
Déclanchées (faut-il le rappeler?) suite à l'accord Fillon-Chérèque signé immédiatement et sans discussion par l'actuel leader charismatique de la CFDT.
On voit que l'expérience (-20% d'adhérents dans l'année qui suivit) a porté ses fruits.
Aujourd'hui, il fait comme Thibaud, Chérèque : si on ne le laisse pas discuter, il se fâche tout rouge.
Les syndicats se contrefoutent des retraites, certes, mais pas de la cogestion des systèmes de transport et d'énergie, dont la brusque interruption paralyserait le pays.
Et dont le contrôle constitue un pouvoir.
La seule menace réelle dont ils disposent pour toutes les fois où ils s'assoient à une table de négociations (mais ne craignez rien : comme chacun sait, une menace n'est une force qu'à condition de ne pas la réaliser).
Bref, ça devrait pouvoir s'arranger.
Dans cette situation, les syndicats ne s'intéressent vraiment qu'aux salariés dont l'activité ne cesse ni le dimanche, ni le jour ni la nuit.
Les techniciens indispensables : quand ceux-là s'arrêtent, tout s'arrête.
Or, voyez comme ça se trouve, le Prézydent Sarkozy ne prévoit pas de s'attaquer aux emplois « pénibles », c'est-à-dire ceux où l'on travaille parfois le w-e (que les femmes de ménage ne commencent pas à rêver, il ne s'agit pas d'elles), ou la nuit (que les ouvriers aux trois-huit n'extrapolent pas, on ne parle pas d'eux) :
"La vérité, c’est qu’il existe des régimes spéciaux de retraites qui ne correspondent pas à des métiers pénibles et qu’il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas à un régime spécial de retraite" .
Voilà ce qu'il nous dit, le Prézydent.
Il nous prépare une grosse poignée de régimes spéciaux bien enfermés dans la forteresse de leur pénibilté, et surtout qu'ils n'en sortent plus, on n'a pas que ça à faire, passons aux choses sérieuses...
Le gouvernement entend réduire et cantonner les régimes spéciaux afin de tranquillement ré-attaquer par la suite le régime général des retraites (ne comptez pas à ce moment-là sur les mécaniciens du rail pour s'associer aux grèves, ça ne les concernera pas).
Les syndicats considèrent que c'est à peine leur affaire, mais plutôt celle des partis politiques, qui apparemment sont à peu près tous d'accord, et de toutes façons ne parlez pas aux confédérations de grève générale, ça leur fait faire des cauchemards.
Du moment qu'on leur garantit les noyaux de pouvoir qui les font participer à l'Etat (en qualité de DRH officieuse), il n'y a pas de problème.
Les discussions à venir porteront sur un échange mutuel de légitimité.
L'Etat aura celle de casser les retraites, après concertation; et les syndicats obtiendront que ce bel ouvrage ne se fasse pas sans eux.
Un consensus est prévisible, que Manuel Valls nous décrit à l'avance.
Il pourra ainsi chanter au PS qu'il a eu raison avant tout le monde.
Quoique.
Il risque d'avoir du mal à s'extirper, dans ce panier de crabes.
Déjà Arnaud Montebourg, qui a senti le danger, essaie de le doubler, en précisant les détails :
une « réforme des régimes spéciaux » en échange de « droits nouveaux ».
Et tous les autres s'y mettent, Hollande, Hamon, Delanoe, Ayrault...
Une vraie meute.
Ecoute, Manuel, on te souhaite quand même bonne chance.
Nous, on n'oublie pas que t'étais le premier.
Vous voulez un petit épilogue? (je n'ai pas le temps d'en faire un grand, on m'attend à la Féria de Nîmes, celle des Vendanges).
Le nombre des retraités augmente :
selon l'INSEE
Le nombre de retraités a fortement augmenté depuis 1983 (5,3 millions) pour atteindre les 10 millions en 2002. Ils sont près de 11 millions en 2005. Le nombre de cotisants est, lui, resté relativement stable entre 1975 et 1988 (autour de 13 millions) puis a augmenté pour atteindre les 14 millions en 1996. Leur nombre s'est ensuite accéléré jusqu'en 2002 (16,5 millions). En 2005, ils sont 16,6 millions soit 1,55 cotisant pour un retraité. Ce rapport est inférieur à 1,65 depuis 1994 alors qu'il y avait, pour un retraité, deux cotisants en 1987 et trois en 1976.
Est-ce que ça pose un problème financier?
En 2004, les dépenses de pensions représentent 12,3 % du PIB dans l'ensemble de l'Union européenne à 25. Leur poids est relativement élevé en Italie (14,7 %) et en Autriche, il est en revanche plus faible en Estonie et surtout en Irlande (4,1 %). Le poids des dépenses de pensions dans le PIB, en France, a peu évolué depuis dix ans (13,1 % en 2004 après 13,2 % en 1994). Il a surtout augmenté au Portugal (+2,5 points en dix ans) alors qu'il est en repli en Finlande (-2,2 points) et au Luxembourg (-2,2 points).
Oui, d'accord, mais dans 20 ans?
Selon l'Observatoire des Retraites (organisme gouvernemental lui aussi) :
Le conseil d’orientation des retraites (COR) évalue entre 1,6% et 1,8% du produit intérieur brut le besoin de financement annuel qu'il faudra consentir, dans vingt ans, pour équilibrer le système de retraite.
Ce qui va pas pisser bien loin.
Vous me direz que les retraites sont payées par les actifs, et que ça augmente d'autant le prix du travail. Pas de bol :
la part des salaires au sens large (salaires directs et cotisations sociales) dans le revenu national a baissé de 10 % en 20 ans
Mais apparemment les syndicats et le PS craignent que la part des salaires ne baisse pas suffisemment vite dans ce pays, si on fout la paix aux retraites.
Vous voulez que je vous dise?
Méfiez-vous de ces gens-là.
C'est des cons.
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