dimanche 20 mai 2007

Naboléon Empireur


Il y a eu sur France 2 le 16 mai, jour du sacre de Naboléon, un moment d'étrange vérité. Sarkozy descendait les Champs en voiture décapotable kif-kif la Reine d'Angleterre, et les commentaires y allaient sur le peuple amassé tout au long du parcours triomphal. On voyait l'Empireur debout sur son char et toutes dents dehors saluer de la main, un coup à droite, un coup à gauche, s'extirpant péniblement des tonnes de sirop que déversaient les journalistes émus sur sa personne adorable. Ils y parlaient de myriades agglutinées pour voir passer le Chef.

Or, pas un rat.

La France sarkosée ne s'était pas déplacée.

Personne.

Quelques touristes égarés.

Seuls deux cordons d'habits bleus encadraient son passage sur la plus large avenue du monde. On en était gêné pour lui.

Là dessus, la télé passe à autre chose : Brégançon. L'arrivée de Cécilia venue en cortège de bagnoles préparer le week-end de la divine famille.

6 ou 7 allumés attendaient au virage d'apercevoir l'idole.

Allez, soyons pas chien, disons une douzaine de badeaux. A tout casser. Dans un virage où pour le Tour de France auraient tenu quatre cent personnes et deux baraques à frites. Une impression de vide saisissante.

Et là-dessus, le commentaire qui se fend à nouveau d'une foule (sic) attendant la C6 présidentielle.

Le soir au JT, rebelote.

Que des plans rapprochés.

On montre la foule (re-sic) par blocs de quatre ou cinq clampins, on filme les deux cents chiraquiens qui attendaient l'ex à sa sortie comme s'il s'agissait d'une bande de sarkozystes exaltés et le tour est joué, personne ne s'étonne de l'absence de public à l'avènement du nouveau Président.

Ce qui est pourtant un événement en soi. Pourquoi personne? N'importe qui aurait fait du monde. Le pape, Mireille Mathieu. Pascal Sevran. Chirac en partant a fait dix fois mieux que l'autre en arrivant. Chirac!

Là, silence. La vérité officielle, c'est que tout s'est très bien passé, et Nicolas a remonté les Champs comme jadis de Gaulle, assailli par un peuple venu soigner ses écrouelles au passage du monarque.

Et bien, tout ceci est nouveau.

La dernière fois qu'on nous a fait le coup du nombre annoncé et pas filmé, c'était pour les massacres de Timisoara, si vous vous rappelez : 7 ou 8 allongés au bord de la route, bien rangés dans leurs draps, et la télé parlait de centaines de morts (qu'on ne voyait pas, donc, ils étaient supposés hors-champs). On a su depuis qu'ils s'agissait de cadavres récupérés à la morgue, et c'est pourquoi il y en avait si peu à l'image.

Mais c'était en temps de guerre (civile). Et c'était l'effondrement du dernier régime stalinien d'Europe. Tous les coups étaient permis.

Les Goebbels de France Télévision n'ont pas de telles excuses.

D'ailleurs Goebbels ne poussait pas si loin le mépris du spectateur.

Les régimes « totalitaires » au besoin réquisitionnaient la foule pour qu'elle figure sur les films de propagande.

Ils ne leur serait jamais venu à l'idée de filmer une lande désolée et puis d'appeler ça Sortie des Arènes à la Feria de Nîmes.

Ils soutenaient leurs mensonges par de splendides preuves fabriquées : s'il n'y avait plus, par exemple, d'enthousiasme populaire dans la vraie vie, ils en produisaient encore à l'image.

Il y avait là du respect à l'égard du spectateur : on supposait qu'il ne gobait pas n'importe quoi, et qu'il lui fallait voir pour croire.

Ces marques de respect ont disparu du paysage télévisuel Français.

Ce qu'on y raconte est si éloigné des faits, tellement emberlificoté, abrutissant, qu'il devient même possible de s'y affranchir des images.

La télévision n'essaie même plus de nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Elle se contente d'énoncer le discours sans réplique des vérités officielles.

Elle ne nous demande plus d'y croire, mais d'avaler sans broncher.

Sachant qu'un peuple justifie toujours les injures dont il ne se venge pas.

La foi vient à qui reste à genoux.

Voici l'étrange vérité qu'ont montrée les télés ce jour du sacre : la publicité ni la propagande ne cherchent plus à tromper leur monde. Elles s'en foutent.

Elles frappent.

Finie la séduction, place au terrorisme.

Commercial, politique, économique, moral, sexuel, civique, sanitaire, éthique, esthétique.

On discute plus, on tape.

Au besoin, on légifère.

La France est entrée de plein-pieds dans la XXIème siècle.

Lequel ne sera pas nazi, ni fasciste, ces oppressions légères sont passées de mode.

Il sera franquiste.

Pas de grands discours, des actes.

Les riches contre les pauvres, direct.

A donf.

La guerre civile froide.

Ça commence en juillet, vous m'en direz des nouvelles.

A la télé, en tous cas, ils sont prèts.

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