samedi 21 avril 2007

La Tournante à Le Peu


Nota bene : aucune des bières citées n'est affligée d'un taux d'alcool infèrieur à 8%.


Eve-Anna s'étonnait :

-Ne trouvez-vous pas, Léon, qu'il marche bizarrement, Jean-Marie, depuis quelques jours?

-Je voudrais vous y voir, après ce qu'il a subi!

-Justement, fit Eve-Anna d'une voix où perçait un brin de nostalgie, si je me souviens bien...

Léon Noël trouva urgent de ne pas écouter un mot de plus :

-Excusez-moi, Eve, mais le devoir m'appelle au Bar Belge de la rue Meur (où m'attend notre fidèle indic, Amar Rama). Je suis en retard, je file.

Amar n'en menait pas large, assis tout seul à une table remplie de canettes désolées :

-Enfin vous voilà, patron! C'est pas sèrieux de me faire attendre, avec tout ce qui arrive aux hommes seuls ces temps-ci.

-N'exagérons rien, on n'a signalé que le cas Jean-Marie.

-Jean-Marie Le Peu, enlevé et violé dans une cave à Vénissieux! s'étrangla Rama, ça peut aussi bien m'arriver, ces racailles ne m'aiment pas, j'ai peur tous les jours, ils n'ont aucun respect pour les auxiliaires de la Police.

-Un mauvais moment à passer, fit Léon philosophe. Tu bois quoi?

-Une Carolus. Un mauvais moment! Comme vous y allez.... La tournante a duré huit plombes!

-Le Peu est une star, tout le quartier a voulu l'essayer, c'était fatal.

Amar retint un sanglot :

-Mais (snif) huit plombes (re-snif) ça le fait plus du tout (re-re-snif), c'est grave de la torture! Il a dû en baver comme c'est pas permis...

-Bien sûr que non, tempéra Léon, il a fait la Légion.

L'indic eut un regard plein de folle espérance :

-Vous croyez, patron?

-Cinq ans de bled, avec pour seuls amis quelques chèvres trop rares et les camarades de combat, ça vous forge un homme! Ne sois pas inquiet, il a parfaitement tenu le choc.

-Ouf... Vous me rassurez.(Garçon! La même chose!)

-Physiquement, s'entend. Moralement, c'est autre chose. Il en est ressorti extrèmement énervé.

-Normal.

-Il a poussé une gueulante.

-C'est tout Jean-Marie, coeur d'or mais vite en colère!

-Il veut la tête des coupables.

-Natürlich...

-On lui a présenté une quarantaine d'immigrés, une douzaine de soi-disant Français et autant de clandestins qu'on avait cernés au Lidl du quartier..

-Il en a retapissé?

-Ils les a tous formellement reconnus! Pas un n'en réchappera. Mais cela ne lui suffit pas!

-Il en veut d'autres? Ça doit pas être compliqué de lui faire plaisir.

-Tu n'y es pas, ill veut le vrai coupable, l'instigateur de cet attentat honteux.

-Il pense à un coup monté?

-Tout l'indique : la facilité avec laquelle les voyous l'ont embarqué, le lieu du rapt, la Taverne Bavaroise, et le moment, au banquet des Amis d'Adi. Rien n'avait été laissé au hasard...

-Y a des suspects?

-Oui, mais ça fait du monde : on soupçonne ses ennemis politiques.

-Laissez-moi deviner : Nicolas Sarkozy?

-Il a montré parfois des pulsions parricides, mais n'est jamais passé à l'acte, objecta léon

-Les trucs de ouf, c'est pas le genre à Nicolas, reconnut Amar

-Il a trop de respect pour le vieux défenseur des causes nationales : la femme au foyer, l'homme au travail, les arabes dehors, bref, à chacun sa place assignée par la nature.

-...et surtout, rouler à donf juste après l'apéro!

-Solution libérale au problème de l'alcool au volant (Garçon! Deux Gulden Draak!) : l'homme ivre est un danger sur la route, plus vite il rentre à la maison, moins longtemps il conduit sa voiture. Là encore, comme pour les impots, la sécu, le chômage, on règle le problème par plus de libertés. C'est la méthode Nicolas-Jean-Marie.

- Y a pas d'embrouille entre eux, convint Amar. Mais les potes à Sarkozy?

-Au-dessus de tout soupçon, voyons! GUD, Occident, ministres, milliardaires, que des gens bien élevés, incapables de violer (la loi).

-Vous oubliez Glucksmann, le révolutionnaire?

-Glucksmann est philosophe, il n'est pas un violent..

-Philosophe à la pitbull, oui! Visez-moi son CV :


Il aime que ça frappe, c'est ce qui le fait jouir

Et il n'a pas changé depuis le maoïsme

Rien ne comptait pour lui que la Cause du Peuple

La jeunesse insurgée, les cités révoltées

Il recouvrait d'insultes, de haine et de mépris

La droite qu'il trouvait profondément fasciste

Militant convaincu, il vivait pour servir

Il jugeait, condamnait, vouait aux gémonies

L'impérialisme US et ses atrocités

Furieux de nobles causes, il se mit à défendre

Israël menacé, il s'affirma sioniste


Tout y est! Niaqué, feuj, bolcho, l'anti-France à tous les étages! Le cauchemard de Jean-Marie! Un coupable idéal!


-Ne t'emballes pas. Ça fait longtemps qu'André a fait des correctifs à son engagement partisan :


Israël menacé, il s'affirma sioniste

Furieux de nobles causes, il se mit à défendre

L'impérialisme US et ses atrocités

Il jugeait, condamnait, vouait aux gémonies

Militant convaincu, il vivait pour servir

La droite qu'il trouvait profondément fasciste

Il recouvrait d'insultes, de haine et de mépris

La jeunesse insurgée, les cités révoltées

Rien ne comptait pour lui que la Cause du Peuple

Et il n'a pas changé depuis le maoïsme

Il aime que ça frappe, c'est ce qui le fait jouir


Et comme le dit Glucksmann, « Les ennemis de mes arabes sont mes amis ». il n'aurait pas touché un cheveu à Le Peu.


Amar, déçu, recommanda à boire (Garçon! deux L'Vapeur) :

-Ségolène, alors? Ségolène, ça m'étonnerait pas d'elle...

-Peut-on parler à son propos d'ennemi politique? La France, l'ordre, le drapeau?

-Vous oubliez la démocrate enragée, capable des pires extrémités, je la cite :


La démocratie participative en France!

Si vous votez pour moi, je promets de combattre

L'arbitraire de ceux qu'on élit au pouvoir

Et notre République défendra sans faiblesse

Le droit d'intervention qu'auraient les citoyens

On controlera tout, on mettra hors-la-loi

Les abus criminels commis au nom du peuple

On vivrait l'anarchie d'où naitraient chaque jour

Des libertés nouvelles sans la moindre tutelle!


-Calme-toi : c'est des bonbons pour les votards. Voici ce que ça signifie :


Des libertés nouvelles sans la moindre tutelle!

On vivrait l'anarchie d'où naitraient chaque jour

Les abus criminels commis au nom du peuple

On controlera tout, on mettra hors-la-loi

Le droit d'intervention qu'auraient les citoyens

Et notre République défendra sans faiblesse

L'arbitraire de ceux qu'on élit au pouvoir

Si vous votez pour moi, je promets de combattre

La démocratie participative en France!

-Vous êtes sûr, patron, de votre interprétation?


-C'est la règle au Parti Socialiste : pour connaître leur vrai programme, il suffit de lire à l'envers celui qu'ils publient. Ça ne rate jamais.


-Je n'y pensais plus... Mais qui, alors? Qui donc a pu?

-J'ai ma petite idée...

-????

-Mégret!

-Le commisaire? s'époustoufla Amar en postillonant sa bière.

-Mais non, Bruno! Bruno Mégret, insista Léon, le nabot, guère plus haut que Sarko, l'ancien numéro deux...et d'ailleurs : (Garçon! Deux Optimo Bruno)

-ça y est, ça me revient! fit Amar sous l'effet de ce nouveau breuvage, le Petit Rat! Bruno « le Félon » Mégret! Le maire de Marignane! L'Himmler de la Provence! Il avait fondé son propre parti de transition démocratique (vers le fascisme), si je me souviens bien.

-Pure question de personnes : en fait il détestait Jean-Marie.

-Mais n'est-il pas revenu tailler des pipes à Le Peu, dernièrement?

-Sur la base d'un accord politique entre organisations patriotiques! Et sur cette promesse de Jean-Marie :


La nation souveraine! Je m'en porte garant

Et c'est bien pour cela qu'il nous faut écraser

L'argent transnational, les dollars et l'euro

Je suis de ces Français, qui aiment avant tout

L'intérêt du pays, je suis issu de vous

Le Peuple, et au nom du Peuple je piétinerai

L'Etat républicain pour gouverner au mieux

Il fallait faire un choix, le FN a choisi


Comment résister à de tels arguments? La Gueuse vaincue, les cosmopolites chassés, Mégret, fou d'espoir et vibrant d'un amour nouveau à l'égard du Menhir s'est aussitôt rallié.

-Vous voyez bien, patron, qu'il kifait le grand Chef. Je vois pas pourquoi il lui aurait cherché des crosses.

-Une promesse électorale, ça se lit à tête reposée : dès le lendemain, Bruno, repris de suspicions envers son vieil ennemi, relisait celle du FN :


Il fallait faire un choix, le FN a choisi

L'Etat républicain pour gouverner au mieux

Le Peuple, et au nom du Peuple je piétinerai

L'intérêt du pays, je suis issu de vous

Je suis de ces Français, qui aiment avant tout

L'argent transnational, les dollars et l'euro

Et c'est bien pour cela qu'il nous faut écraser

La nation souveraine! Je m'en porte garant


-L'encuuuulééééé! s'exclama Amar.

-Judicieux constat, approuva Léon, et c'est bien aussi ce que pensa Mégret.

-Vous ne voulez pas dire...

-Qu'il mit en accord sa pensée et ses actes? Absolument, si.

-Alors là, patron, ça me troue le cul!

-C'est probablement la réflexion que s'est faite Jean-Marie, lui aussi. (Garçon, deux Judas, vite!)

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