jeudi 8 mai 2008
Ernest-Antoine, Patron Modèle
Les informations contenues dans ce post viennent en grande partie d'un article du Monde en date du 30 avril dernier, intitulé La Bonne Fortune du Baron Seillière.
Prologue
L'autre jour, on faisait l'apéro, au bar-tabac des Forges, lorsqu'on a vu entrer Ernest-Antoine Seillière (quand il a des ennuis, Ernest vient toujours boire un coup avec nous, ça le détend).
Ernest est pété de thune, alors on lui demande, histoire de rire :
-Salut Ernest! Tu mets la tienne?
Et comme il a un oursin dans la poche, régulièrement il nous répond :
-Plaisantez pas, les gars. Si vous saviez ce qui m'arrive...
-Raconte-nous et bois un coup.
-Puisque vous me l'offrez, je peux pas refuser. (Patron, une coupe!).
C'est encore les impôts, j'en suis tout retourné.
-Lesquels?
-Pour commencer, l'ISF.
-L'Impôt de Solidarité sur la Fortune? Il n'est pourtant plus si méchant, depuis 2003.
-Avec la loi Dutreil?
Parlons-en, de la loi Dutreil!
La pire des arnaques, la loi Dutreil.
-Je croyais qu'elle exemptait de l'ISF les actionnaires...
-Les actionnaires peut-être, mais pas nous, les Wendel.
Tu n'ignores pas que ma large famille est réunie au sein d'une société...
-La SLPS, 950 personnes, descendantes d'un ancêtre commun, l'illustre maître de forges François de Wendel.
-A l'origine, la SPLS détenait 86,5 % du capital de Wendel-Participations, une société non cotée en bourse, et dont on ne peut vendre ou acheter les actions sans l'accord de la famille.
-Il est bien normal de se serrer les coudes, entre parents qui s'apprécient.
-Et Wendel-Participations controlait la société Wendel Investissement...
-... qui, elle, fait des affaires, est cotée en bourse et possède une flopée d'entreprises qu'elle achète ou revend au gré des circonstances.
Je ne vois pas où est le problème.
-Le problème, c'est que la loi Dutreil n'exempte de l'ISF que les actionnaires directs d'entreprises.
-Tiens, pourquoi donc?
-On considère qu'il s'agit de gens qui travaillent avec leur argent, et non de parasites qui vivent de leurs rentes.
-Ce distingo est à mourir de rire!
-Je ne te le fais pas dire.
Or nous (la SPLS) n'étions pas actionnaires directs d'entreprises.
Entre Wendel Investissement (les entreprises) et nous-mêmes (la SPLS), il existait cette société écran, Wendel-Participations.
-Que vous ne pouviez confondre avec la SPLS, puisque vous n'en aviez que 86,5 %?
-Tout juste.
Les 13,5 % restant appartenaient à une société qui ne possédait que ça, la Solfur.
-Qu'est-ce que c'est que cette Solfur?
-En fait, une filiale à 100 % de la société Wendel-Participations.
-Mais alors tout s'arrange! il n'y avait qu'à...
-...proposer à la SLPS de racheter la Solfur pour enfin détenir 100 % de Wendel-Participations et devenir actionnaires directs?
-Bien sûr!
Ainsi les Wendel n'avaient plus à payer l'ISF pour leur fortune en bourse...
-Et bien ça ne s'est pas du tout passé comme ça. (Je peux reprendre une coupe? Parler ça donne soif.)
-Mais comment donc! (Patron! La même pour mon ami Ernest!)
Logue
-Tu savais sans doute que j'étais président de Wendel-Participations?
-J'ignorais ce détail (mais ça ne m'étonne pas).
-Je pris donc ma plus belle plume, et j'écrivis au président de la SLPS pour lui dire qu'il pouvait acheter les 13,5 % de Wendel-Participations détenus par la Solfur.
-Il a dû sauter dessus, j'imagine.
-Et bien pas du tout!
Il m'a répondu que ça ne l'intéressait pas.
-Il y a des gens comme ça, qui n'ont aucun sens des affaires.
-N'est-ce pas?
-Peut-on connaitre le nom de cet inconséquent?
-Seillière.
-Un proche parent à toi?
-Pas exactement, il s'agissait de moi-même. (Car je suis aussi président de la SLPS)
-Mais c'est stupéfiant, ce que tu me racontes!
Tu ne t'attendais pas à un tel refus de ta part?
-Absolument pas.
Je me trouvais donc bien embêté avec cette Solfur qui gênait tout le monde et dont la SLPS ne voulait pas.
-Cruel dilemme, en effet.
-Heureusement, deux ou trois ans plus tôt, j'avais monté avec quelques amis une petite société perso.
-(Il faut bien se détendre en dehors du boulot.)
Quels amis, au fait?
-Et bien la direction du groupe Wendel (c'est tous des copains).
-Le nom de cette sympathique amicale?
-La Compagnie de l'Audon.
-C'est charmant.
-N'est-ce pas?
Donc, après le brutal refus de la SLPS d'acquérir la Solfur, je m'écris de nouveau, mais cette fois-ci à l'adresse de la Compagnie de l'Audon, pour me proposer une autre fois la même transaction.
-Je tremble du résultat. Et alors?
-Alors là, j'accepte.
-Ouf! Sauvés.
-Pas si vite.
Et le pognon, alors?
Les 13,5 % de Wendel-Participations valaient un max de thune, et moi, tu sais, j'ai pas un rond (à propos, tu peux pas m'en payer une autre?)
-Volontiers, (Patron! Pareil pour Ernest!) ça valait cher?
-Au prix du marché, 284,3 millions d'euros.
-Oups!
T'as fait comment?
-On a trouvé un expert qui nous a un peu arrangé le coup.
-Un peu ou beaucoup?
-Il a évalué l'affaire à 79 millions d"euros.
-Super, l'expert!
Vous avez aussi sec acheté?
-T'ai-je précisé qu'on avait décidé d'avoir le tout pour pas grand chose?
-Pas vraiment, je l'avoue.
-On avait constitué une petite cagnotte, mes amis et moi, avec tous les cadeaux qu'on s'était fait comme dirigeants de Wendel.
Elle contenait 31 millions d'euros.
On voulait pas mettre un sou de plus.
-Mince de cadeaux!
-Quand on aime, on ne compte pas (et nous nous sommes toujours énormément aimés).
-Et les 48 briques qui manquaient (pour aller à 79)?
-On les a empruntées.
-A qui?
-Mais... à nous.
A qui d'autre?
-Comment ça, à vous?
-Et bien, par exemple, nous nous sommes écrit à Wendel Investissement (Je t'ai pas dit? Nous dirigeons aussi Wendel Investissement), qu'ils nous prêtent 9,4 millions d'euros pour qu'on puisse leur acheter la Solfur.
-Ils n'ont fait aucune difficulté à cet étrange arrangement?
-Aucune.
Nous nous sommes prêté la somme de suite.
-Ces emprunts, il a bien fallu les rembourser, pourtant?
-C'était le plus dur.
Mais la Divine Providence veillait sur nous.
On a bénéficié d'une petite bêtise que nous avions commise.
-Ah bon? Laquelle?
-Figure toi que lorsque nous nous sommes vendu la Solfur, nous avons complètement oublié de vider la caisse avant de nous remettre les clés.
-Ce sont des choses qui arrivent.
Il y avait beaucoup?
-12,4 millions d'euros de trésorerie.
-Tu as dû rudement t'en vouloir!
-Enormément.
Mais il faut bien l'avouer : ces 12 briques oubliées dans le tiroir nous ont bien aidé par la suite.
Bref, je te passe les détails : on a sans trop de mal acheté la Solfur, et les 13,5 % de Wendel-Participations.
-Dont la SLPS ne voulait pas, et que vous ne pouviez vendre à personne.
(Tu parles d'une affaire!)
-A personne, sauf à la Wendel-Participations elle-même.
Je t'explique.
Si elle rachetait ces 13,5 % de son capital, elle faisait de la SLPS son propriétaire à 100 %.
Tout le monde était content : la famille n'avait plus d'ISF à payer.
Et mes potes et moi on arrivait enfin à palper la vraie fraiche.
-A condition que Wendel-Participations veuille bien acheter ce truc dont elle n'avait, quand à elle, aucun besoin!
-Alors là, ça se voit que tu ne connais pas notre force de persuation!
Nous nous sommes aussitôt écrit pour nous proposer la transaction, et nous nous sommes répondu par retour du courrier qu'il n'y avait aucun problème.
Le 29 mai 2007, le groupe Wendel a échangé nos 569 333 actions Wendel-Participations contre 2 536 700 titres Wendel Investissement qu'on pouvait vendre quand on voulait à qui on voulait, et qui valaient en tout 324 millions d'euros.
-Tu veux dire que Wendel vous a racheté 324 briques des actions que vous aviez évalué à 79 millions, et que vous leur aviez soutiré pour (79 moins les 12,4 oubliés) 66,6 millions d'euros?
-Nous savons ne pas être mesquins lorsqu'il s'agit de nous faire des cadeaux.
-Et ça t'a laissé combien, cette petite opération?
-Oh, pas grand chose.
("soupir").
Il a fallu partager.
("re-soupir").
Avec les potes.
("gros soupir")
-Oui, mais combien?
-Exactement, tu veux dire?
-Ben oui, exactement.
-Exactement, ça m'a fait 79 millions 795 mille 847 euros.
-Et de quoi tu te plains?
-Mais des impôts! (je te l'ai dit, tu n'écoutes pas.) Des impôts!
Epilogue
-Les impôts! Je n'y pensais plus. C'est vrai qu'avec toutes ces plus-value...
-Non, ça c'est technique, l'impôt sur les plus-value c'est pas un problème.
Quand on s'est partagé la thune de la Compagnie de l'Audon...
-Vous vous êtes partagé la thune de la Compagnie?
Mais c'est parfaitement illégal!
C'est un abus de bien social!
-Laisse béton, t'y comprends rien.
C'est pourtant pas compliqué : la Compagnie nous a racheté son propre capital (les actions qu'on avait créées lorsqu'on l'avait fondée).
Elle nous les a payées en actions Wendel Investissement, puisque c'est tout ce qu'elle avait sur elle.
Et c'est comme ça qu'on a récupéré le pognon du braquage.
Où en étais-je, déjà?
-Tu parlais de l'impôt sur les plus-value.
-Ah oui! c'est technique, disais-je.
Quand on s'est partagé la thune, on a monté une vingtaine de petites sociétés écrans, une ou deux chacun, et avec un aller-retour du pèze effectué dans la journée, on a tout fait disparaitre aux yeux du fisc.
Un grand classique.
Tout ce qu'il y a de plus légal.
De ce point de vue là, on n'a pas payé un centime, mais...
-Mais?
-Mais c'est avec la taxe d'enregistrement de la Compagnie de l'Audon, qu'ils nous ont assassiné!
-Ils vous attendaient au tournant?
-Ah les salauds! J'en ai pas dormi de la nuit.
-Ils vous ont taxé de combien?
-6 427 euros.
Et 96 centimes.
Les ordures.
-(Rien ne les arrête).
Et ils ont pris ça à chacun de vous?
-Tout de même pas!
Non, c'est en tout.
En tout, on était 15.
-Ce qui fait?
-428 euros et 53 centimes par tête de pipe.
-Aïe aïe aïe!
-Ces gens-là savent-ils qu'avec une pareille somme je pourrais employer un salarié de plus, à temps partiel, durant tout un long mois?
-(Le chômage, ils s'en foutent, ce sont des fonctionnaires.)
-En tous cas tu comprendras qu'aujourd'hui je suis à sec : je ne peux vraiment pas t'offrir un verre.
-Je comprends.
-Et ce n'est pas avec trois misérables coupes de champ' qu'on me consolera du dol que j'ai subi.
-Patron! Une coupe de plus pour Ernest-Antoine!
(Il a des soucis à noyer).
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7 commentaires:
Etourdissant !!!
Merci pour ce billet.
Vraiment.
(même s'il faut s'accrocher)
darwinspirit
Attention erreur d'aurthaugraffe: "consolera du dol que j'ai subi." doit s'écrire
"consolera du VOL que j'ai subi."
mais sinon c'est très instructif et raconté de manière drôle et originale.
Sacré Baron il nous fera toujours rire...jaune.
Tu as prévu d'organiser un Seillèrethon?
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Cdt,
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