jeudi 20 décembre 2007

Travailler Plus Pour Gagner Plus Rien


Karl Marx n'a plus la côte.

Chez les économistes, on reconnaît ses mérites (le gars a tout de même trouvé la bonne explication des cycles économiques) mais on pense qu'il a déliré grave sur la question sociale.

Qu'il broyait du noir (et rouge).

Par exemple cette assertion, lourdement indigeste :

La valeur de la force de travail est déterminée par la quantité de travail nécessaire pour la conserver ou la reproduire, mais l’usage de cette force de travail n’est limité que par l’énergie agissante et la vigueur physique du travailleur.

En clair, tu bosses, t'es payé (jusque là, tout est normal).

Tu bosses un peu plus, ou même jusqu'à en crever, tu n'es pas payé un centime de plus (c'est là que ça se gâte).

Car le tarif est toujours le même : on te paie de quoi vivre parce qu'on ne peut pas te payer moins, point barre (je ne sais pas si vous voyez le délire).

Depuis ces extravagances conceptuelles, la teuhon poursuit Karl Marx jusque dedans sa tombe (à Londres).

Plus personne de sérieux ne le prend au sérieux.

Et c'est pourquoi lorsque Nicolas Sarkozy a annoncé son programme Travailler Plus Pour Gagner Plus, chacun s'est dit : «Chouette! Du pognon! Quelle bonne idée!».

Tandis que la Gauche, chagrine, se demandait s'il y aurait du taf (et des lovés) pour tout le monde.

En gros, ce qu'écrivait Libération à l'époque (et que répète France-Info aujourd'hui) :

Certes, la proposition du futur président de la République pourra permettre aux salariés des entreprises qui n'ont pas signé d'accord (une majorité de PME) d'augmenter leur revenu. Mais pour beaucoup d'autres salariés, dans les faits, «travailler plus pour gagner plus» n'a aucun sens. Certains aimeraient bien, mais leur employeur ou leur activité leur imposent un temps partiel. D'autres au contraire travaillent déjà bien au-delà des 35 heures, sans pour autant gagner plus, forfait cadre ou annualisation obligent.


Maintenant qu'on y voit plus clair dans ce projet, et que des décisions sont imminentes, on peut enfin rassurer Libération.

Les professions où il n'y a pas d'heures sup à distribuer ne vont pas gagner moins que les autres.

C'est plutôt le contraire qui va se passer :

Dans la fonction publique, où les négociations salariales sont engagées, figure-toi qu'on ne compensera plus l'inflation par une augmentation du point d'indice (qui est la base de calcul des traitements).

Toujours Libé, le 17 décembre :

(...)pour faire progresser le pouvoir d’achat, le ministre compte surtout sur les heures supplémentaires et la monétisation des RTT.

Toutefois, le même ministre reconnaît qu'il y a un petit problème avec ceux qui n'ont pas de RTT à vendre, ni d'heures supplémentaires à faire :

Eric Woerth a demandé aux syndicats de réfléchir à deux solutions : donner une prime garantissant le maintien du pouvoir d’achat pour ceux qui n’auraient bénéficié d’aucun avancement ou, à défaut, octroyer quelques points d’indice en plus.

Ceux -là connaîtront donc une augmentation compensant en partie l'augmentation du coût de la vie.

Les autres, non.

Ils devront travailler plus.

Oui mais voilà, tous ne travailleront pas plus.

Certains ne voudront pas, ou ne pourront pas.

Et verront leur traitement diminuer en termes réels.

Il en va de même pour les pensionnés de la fonction publique.

Il n'est pas question pour eux d'heures sup, ni de promo, ni de RTT.

Leur pension est calculée sur la valeur du point d'indice.

Celui-ci ne bougeant plus, les pensions diminueront de manière exponentielle, au rythme de l'inflation, 2 à 3 %, et plus si affinités.

Si bien que, dans l'ensemble, le revenu global (actifs et non-actifs) des professions qui travaillent plus va largement diminuer.

Tandis que les professions qui travaillent moins ne morfleront pas plus.

Les points d'indice compensateurs n'iront pas pisser loin, mais ils s'appliqueront à tous.

Et la situation des retraités sera identique (car les primes et heures sup des stakhanovistes du premier groupe ne sont de toutes façons pas prises en compte dans le calcul des pensions).


Comme quoi, ce bon vieux Karl n'avait pas tout à fait fondu un plomb, en prétendant que le prix du travail n'a rien à voir avec sa quantité.

Oui mais voilà, il n'y a plus en France que Florence Parisot et Nicolas Sarkozy pour faire confiance à Marx..

Ils ont su tout de suite, eux, que malgré le gel des salaires, malgré la flexibilité, les 35 heures allaient leur coûtaient du pèze (vu que les salariés, tu ne peux pas les payer moins que tu ne les payes déjà).

Et que le passage aux 48 allait leur rapporter un max (vu que les salariés, tu n'as pas à les payer plus que tu ne les payes déjà).

Tandis qu'à Gauche, à Libération, on ne veut plus du tout entendre parler de Karl Marx, car tout ce qu'il a écrit fait énormément de peine chez les Bisounours, où les patrons partagent la thune avec les travailleurs gagnant-gagnants.


Et tu ne sais pas la meilleure, camarade?

D'après l'odieux Marx (Karl), même ceux qui gagnent plus à trimer plus finiront par tout perdre :

L'ouvrier devient d'autant plus pauvre qu'il produit plus de richesse, que sa production croit en puissance et en volume.

L'ouvrier devient une marchandise d'autant plus vile qu'il crée plus de marchandises. La dépréciation du monde des hommes augmente en raison directe de la mise en valeur du monde des choses .

Ben oui, c'est comme ça.

Par exemple, au lieu de mijoter des petits plats, tu ouvres un paquet d'Hergestett für Lidl.

Au lieu de récupérer tes gosses à l'école, tu les laisses à la garderie.

Tout ça coûte.

Et en effet, tu peux maintenant te l'offrir.

Et même il te reste de quoi payer l'essence pour aller bosser.

Mais en définitive, tu y as beaucoup perdu.

Et vu ce que vaut ta vie maintenant que tu en es là, n'espère pas qu'on te donnera bien cher de ton temps de travail.



Post Scriptum

Ceux qui suivent ce blog connaissent ma lubie : faire de temps en temps un post pour affirmer que l'affaire Gautier-Sauvagnac n'a pas été étouffée par Sarkozy (contrairement à ce qu'en dit la Gauche) mais au contraire montée par lui (pour faire chanter les syndicats).

Or que lit-on dans Le Monde du jour?

Le chef de l'Etat a également proposé le vote d'une loi "réglementant la publication et la certification des comptes des organisations" syndicales et patronales, une réponse à l'affaire qui secoue depuis plusieurs mois l'Union des métiers et des industries de la métallurgie (UIMM), dont le président Denis Gautier-Sauvagnac est soupçonné d'abus de confiance.

M. Sarkozy a indiqué en outre que les critères de la représentativité des syndicats, leur financement et les conditions de validité des accords soient examinés en 2008. Cette réforme, souhaitée par les principaux partenaires sociaux, a cependant été conditionnée par le président de la République à un assouplissement de la loi sur les 35 heures.

Dans ces conditions, vous aurez droit, la semaine prochaine à un ènième post Gautier-Sauvagnac.

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