mardi 3 novembre 2009

Le Prix Spécial des Polices du Même Nom


Cette année encore, je n'ai pas été sélectionné pour le Goncourt.
Je vais finir par en prendre l'habitude.
De toutes façons, je m'en fiche, j'ai mieux que ça, un prix moins tapageur et nettement plus élitiste.
C'est top secret, comme les services qui l'organisent : j'ai mes chances pour le Prix (spécial) des Polices (du même nom).
Autour de moi, personne n'ose y croire, mais ça fait longtemps que je me doute de quelque chose.
Lorsque mon livre est sorti (l'Affaire Colonna), j'ai tout de suite remarqué que mon nom, mon blog, avaient disparu des référencements Google.
Autrefois, je figurais en première page (quatrième position) à la requête "amate" (c'est mon nom).
Là, plus rien.
Plus de blog.
Disparu.
Les quarante premières pages du référencement, volatilisé.
Je me rencontrais parfois, rarement, mais c'était chez les autres.
Chez moi, plus rien.
Je n'existais plus. Il n'y avait plus de chez moi. Mon blog, mon joli blog, et son millier de visiteurs par semaine s'étaient dématérialisé, et dans mon for intérieur, je l'ai tout de suite su : les Polices (spéciales) m'avaient pré-sélectionné, j'allais peut-être avoir un prix.
Le coeur tremblant d'émotion, je me suis ouvert de mes folles espérances à mon entourage, des anarchistes chevronnés très au fait de ce qui peut ou pas intéresser les Polices.
Ils s'inquiétèrent pour ma santé mentale.
Comment pouvais-je, humble vermisseau, prétendre à de si flatteuses distinctions pour un ouvrage sans idées véritables?
Je sais, j'ai trop d'orgueil.
Parfois, je délire.
Mais justement, c'est à ça que ça sert, les amis, à revenir à la réalité quand on court le risque de s'en échapper.
Dans les jours qui suivirent, je vis qu'ils avaient raison : mon nom reparut peu à peu.
Oh, certes pas en première page, mais enfin pas trop loin, dans les dix premières.
Il fallait s'en convaincre, personne ne m'avait remarqué.
Au contraire, on m'avait oublié pendant que j'écrivais mon livre.
Je voulus connaître la profondeur du mal.
J'effectuai la requête "palindromes".
Autrefois, j'y figurais en position honnorable.
Pas aussi bien qu'avec la requête "amate" : palindromes est un nom commun, illustré de Pérec à Debord par d'éminentes personnalités, et en plus il y a un film qui porte ce titre.
J'avais mis du temps à percer, ça n'avait pas été facile.
Je n'attendais pas monts et merveilles de cette requête.
Or, qu'y vis-je, d'entrée?
Mon blog, tout en haut de la page, en deuxième position, juste derrière wikipedia, on ne pouvait pas faire mieux.
Alors (car j'ai du vice, voyez-vous, c'est là mon défaut), j'ai tapé "amate palindromes", où j'aurais dû, cette fois-ci, griller wikipedia.
Et là walou.
De nouveau, j'avais disparu : on n'arrivait plus à trouver le blog.
Cette fois-ci, je ne prévins pas mes amis.
Je préférai leur faire croire que ma crise de paranoïa se dissipait peu à peu.
(Il faut, chaque fois qu'on le peut, éviter de se retrouver en HP.)
Mais, dans le fond, j'avais repris espoir.
Cela ne dura guère.
Les semaines passèrent.
La situation se normalisa.
J'étais de retour en première page de Google, aux alentours de la dixième position, comme si on ne s'occupait plus de moi.
La presse ne signalait pas la parution de mon livre, les journalistes qui avaient promis de faire un papier s'étaient tous défilés, à la Fnac, sur Amazon, il fallait attendre une à quatre semaines pour avoir le bouquin alors que les autres c'était 24 heures.
Les signe d'un désintérêt général à l'égard de l'Affaire Colonna s'accumulaient.
Je finissais par me ranger à l'opinion de mes amis selon laquelle j'avais écrit un livre superflu, lorsque l'alim de mon portable passa de vie à trépas.
Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase.
J'achetai de quoi me monter un PC, un vrai, pas un note book, c'est des trucs de loser.
Que je chargeai avec windows 7, la dernière version.
Et j'entreprends (c'était hier) de récupérer un à un l'essentiel de mes liens favoris.
Au moment où arrive le tour de mon blog, je tape "amate" (c'est moins long que "palindromes").
Et là, stupéfaction, rien.
Ni en première, ni en deuxième, ni en troisième page.
Je regarde mieux : en fait, je n'étais plus sur Google, j'étais revenu sur Bing (le remplaçant de MSN, le moteur de recherche de Windows, et qui n'a plus l'apparence d'une usine à gaz un soir de Mardi Gras, maintenant on peut le confondre avec quelque chose de pratiquable).
Et sur Bing-MSN, c'était comme aux plus beaux jours de la sortie du livre : je n'existais plus.
Vite, je revins sur Google, et là, pas de problème ; j'étais là.
Je ne voudrais pas évoquer inutilement les mânes de Jacques Lacan, mais chacun aura reconnu l'expérience du for-da qu'il rappelle au début des Ecrits, et qui serait à la base de la pensée symbolique, c'est-à-dire de tout langage : j'y suis, j'y suis pas.
Elle procure à bébé toutes ses émotions alternativement heureuses et malheureuses (et par la suite, quand il grandit, c'est la même chose, surtout avec les mecs et les gonzesses qu'il fréquente).
Après quelques secondes de ce jeu passionnant, j'avisai que j'étais sur Google web (c'est automatique), et pas sur Google France (qu'on peut choisir à la place).
Je cliquais donc pour établir une requête "amate" sur Google France et là, j'eus la satisfaction de voir que c'était comme avec Bing : rien du tout.
c'était donc là le secret.
En fait, je n'étais nullement tombé en disgrâce.
Seul Google international me reconnaissait, donnant ainsi l'illusion d'une négligence à mon égard.
A Google France, on ne m'avait pas oublié : j'étais toujours le chouchou des lardus.
Il en allait de même sur Yahoo : j'étais présent sur la planète, mais fort heureusement invisible depuis la mère-patrie.
AOL et Voila ne faisaient pas la différence entre la France et l'étranger : je figurais en première page.
Orange non plus ne faisait pas de différence, mais devinez quoi, j'y étais ou pas?
Cherchez vous-même, je vous laisse la surprise.
Aujourd'hui, je ne doute plus.
J'ai bel et bien été sélectionné par les Polices.
Et ce prix, c'est moi qui vais l'avoir.
Je regarde la concurrence : je n'en ai pas.
Pendant plusieurs semaines, j'ai été en tête des ventes des essais politiques à la Fnac, (en dépit des petits handicaps que je vous ai dit, et qui vont de soi : il fallait bien équilibrer les chances de tout le monde, sinon, que serait-il resté aux autres?)
Déjà, implicitement, la grande distribution avait voté pour moi : elle m'avait pratiquement mis hors concours.
La presse était unanime (sauf en Corse, pour d'évidentes raison) : même le localier de mon quartier, à Lyon, avait renoncé à faire un article lorsqu'il avait su le sujet du livre.
Sur le conseil, m'avait-il précisé, d'un sien ami général de gendarmerie (le localier est lui-même un ancien gendarme).
Ce qui renforce mes certitudes.
D'évidence, j'ai fortement impressionné les cognes-jurés.
Je serai cet année le lauréat du Prix Spécial des Polices du Même Nom, que ça vous plaise ou non.
Je sais, c'est injuste pour les autres.
Il y en a tant qui l'auraient mérité plus que moi, surtout parmi les anarchistes et les révolutionnaires, tant de grands subversifs dont l'Histoire retiendra les noms.
Je sais, je ne mérite pas de leur passer devant dans la voie des honneurs.
Mais il faut savoir saisir sa chance lorsqu'elle se présente.
Je ne vais tout de même pas bouder mon plaisir.


4 commentaires:

Marie-ange Marie a dit…

Eric Raoult vient de vous donner une bonne raison de ne pas vouloir être lauréat du prix Goncourt...
Cela me rappelle la réaction de Sartre à l'annonce de l'attribution du prix Nobel à Camus:" c'est bien
fait"...
En revanche, je tenais à vous dire
qu'autour de moi, votre livre fait l'unanimité et a convaincu certains sceptiques, de l'inéquité du procès
Colonna, et cela vaut bien tous les prix...

Gérard Amate a dit…

En fait, peu après avoir écrit ce post, la situation s'est nettement améliorée (à part, aux dernières nouvelles, sur MSN-Bing!)donc, pas de parano excessive, c'était peut-être un dysfonctionnement accidentel : il est difficile d'en juger, puisque ces portails n'affichent pas leurs critères de référencement.
Raoult, en effet, en inventant le devoir de réserve pour les écrivains distingués par un prix, nous rappelle les pensions royales qui gratifiaient autrefois la renommée littéraire, et étaient supprimées en cas de malpensance politique.
Qu'ils en soient à considérer l'édition comme autrefois Pompidou considérait l'ORTF, "voix de la France", est doublement inquiétant : pour ce qu'est ce camp politique, qui ose penser cela, et pour ce qu'est la grande édition, dont on peut se permettre de penser cela.

Marie-ange Marie a dit…

Vous avez été en tête de vente des essais politiques à la FNAC?

Gérard Amate a dit…

oui, quelques semaines, d'abord deuxième, puis quatrième, mais personne n'en a rien su : on n'a eu aucun papier dans les journaux du continent.