On a beau aimer les enfants
quand on est prof, on a intérêt à bien les tenir.
C'est une question d'autorité.
Ou alors ils vous bouffent.
Travailler plus, par exemple.
(On essaie tous de les faire travailler plus)
Pour rien de plus ou rien du tout.
(A l'école, comme dans la vie, le travail paye mal)
Et bien, ils n'aiment pas ça.
Ils rechignent.
Le moindre faux pas, et c'est la révolte.
Les cahiers volent.
Les parent se plaignent.
Les inspecteurs enquêtent.
C'est le début des emmerdements.
C'est pourquoi, depuis que Nicolas a été élu dictateur de notre beau pays, je ne rate jamais l'une de ses interventions.
J'apprécie en connaisseur.
J'ai l'oeil du pro.
Du prof.
Au début, il faut le reconnaître, sa prestation a été magistrale.
Un sans faute.
Il avait annoncé la couleur : on n'était pas là pour rigoler.
Du boulot, des sanctions, des contrôles, et plus aucun cadeau.
Les feignants sévèrement punis, les dissipateurs lourdement matraqués, et les sans leurs affaires expulsés.
Ce qui est le B A BA du métier.
Lors du premier contact, il ne faut pas copiner.
Mais exiger d'entrée la discipline.
D'abord, ça les calme.
Ensuite, ça laisse une marge de manoeuvre.
Dès qu'on desserre un peu l'étreinte, ils se mettent, tout surpris, à vous aimer.
Ils vous sont reconnaissants.
Tandis que le contraire a le résultat exactement inverse.
Contraint de resserrer les boulons, vous passez pour un ignoble.
Vous les décevez atrocement.
Ils vous méprisent.
Ne jamais rester sans femme fait aussi partie des principes de base.
Célibataire, les soupçons d'homosexualité ou de vie dissipée arrivent de suite.
L'un comme l'autre nuisent puissamment à votre autorité.
(Les gens sont tolérants, on n'est plus au Moyen-Age, sauf lorsqu'il s'agit de leur progéniture.
Là, ils ne pardonnent plus grand chose.)
Le mariage, cependant, n'offre pas de garantie certaine contre les ragots.
(Surtout lorsqu'on est taillé en nabot, avec une tronche de travers.)
On ne compte plus les pédophiles mariés et pères de famille.
Mais la possession d'une épouse belle et prestigieuse peut écarter les dangers.
Sa prestance impressionne.
On fantasme qu'elle suffit à vos besoins.
Et pendant qu'on parle d'elle, on s'occupe moins de vous.
L'heureuse élue en rajoute d'ailleurs des louches.
En France comme à l'étranger, elle ne désigne Nicolas que par l'expression "Mon Mari", afin de bien enfoncer le clou.
De ce côté-ci, il a fait du mieux qu'il a pu.
Favoriser le dialogue avec les délégués de classe est également un grand classique.
L'important, c'est d'élire les bons.
Comme c'est le maître qui fixe les règles de la représentativité, ça ne pose généralement pas de problème.
Nicolas en a choisi deux qui font parfaitement l'affaire.
D'abord, il y a François (Chérèque).
Un peu encombrant tellement il est serviable.
Toujours volontaire pour effacer le tableau, vider le seau, porter le cartable.
Les autres le détestent.
La dernière fois qu'il est sorti dehors, on a dû le protéger spécialement.
De peur que ses petits camarades ne lui tombent dessus à coups de poing.
François est un peu gênant, à cause du ridicule.
Mais il est extrêmement dévoué.
Il sert d'exemple.
Et puis il y a Bernard (Thibault), le chouchou de Nicolas.
Bernard est un nouveau.
il arrive tout droit de l'enseignement confessionnel.
L'Institution St-Joseph (Vissarionovitch), pour ne pas la nommer.
On dira ce qu'on voudra de St-Joseph : ils ont des moeurs spéciales, mais on y apprend la politesse.
Bernard est souvent agaçant, il sait rester à sa place.
Au moindre chahut, c'est lui qui raisonne ses camarades.
Et, contrairement à François, on l'écoute, lui.
Il fixe les limites.
Son rôle n'est pas moins grand que celui de François dans le maintien de la discipline en classe (ouvrière).
Il est bon d'avoir toujours sous la main un lèche-cul et un cancre en quête de rédemption.
Ils se chargent des dénonciations, des leçons de morale, et des appels au calme.
Pour pas cher : cinq minutes de temps en temps à les écouter râler.
ça les apaise.
Et ils se rendent vite compte que rien n'est possible de ce qui leur ferait vraiment plaisir.
Bien sûr, Nicolas a parfois commis quelques impairs.
C'est un caractère emporté.
Il s'énerve facilement.
Or, si le maître impose le respect par une juste colère,
il montre sa faiblesse en cédant à l'énervement.
Que cherchent en permanence à provoquer tous ces petits monstres.
Plusieurs fois, Nicolas s'est laissé aller.
Mais il a su se rattraper.
Je pense à "casse-toi, pauv'con", par exemple.
Il a su réagir.
Au premier qui lui a retourné l'expression gravée sur un écriteau, ça n'a pas fait un pli.
Gendarmes, procureur, et correctionnelle : outrage au chef de l'Etat.
Renvoyé trois jours.
On n'en a plus parlé.
D'ailleurs ces sautes d'humeur ne se produisaient que lors de circonstances exceptionnelles, quand Nicolas rencontrait le public.
Aujourd'hui, il va encore à la rencontre du public.
Mais seulement après que la police ait fait évacuer les lieux et nettoyer la place.
Les risques de dérapage sont moins grands.
C'est pourquoi, jeudi dernier, pour son interview urbi et orbi, aux télés et aux radios, je n'étais pas inquiet.
Il se trouvait dans un environnement familier, avec des journalistes déférents et amicaux.
Il n'y avait aucune raison qu'il fonde un plomb.
Je m'attendais à une prestation de grand professionnel.
Ce qu'elle fut, à maints égards.
Face à la "crise du siècle", il ne s'est pas démonté.
Distribution de pièces jaunes à divers nécessiteux, et convocation de Bernard et François pour une séance de pleurnichage au bureau.
A sa place, j'aurais fait pareil.
Quant au reste, toujours grand seigneur.
Distribution de 8 (ou 18, ou 28, ou 31, on ne sait plus, les avis divergent) milliards d'euros au patronat sous forme d'exemptions fiscales, alors que le pays croule sous la dette.
Du grand art.
Une annonce à la fois incompréhensible et peu surprenante, dans le droit fil de sa politique traditionnelle.
Il s'affirmait ainsi toujours le Maître, stable dans la tempête, insensible aux douleurs, généreux aux riches et superbe à l'égard des pauvres.
Un vrai lion, le roi des animaux, et le tout à nos frais.
Je m'attendais tranquillement à un nouveau sans faute de la part de Nicolas.
Lorsque tout à coup.
La catastrophe.
L'accident bête.
Pour justifier un banal excès d'autoritarisme, il en appelle à ses prédécesseurs.
Le Général, Diam's d'Estaing, François Mitterrand, Pompidou.
Qui eux aussi, parait-il, nommaient les présidents de chaînes, ouvertement ou en loucedé.
Ce qui relativisait beaucoup son exigence nouvelle de les nommer lui-même officiellement.
Cette petite explication n'a pas l'air très importante.
On la croirait même habile : émise sous les ors de l'Elysée, elle visait sans doute à asseoir la respectabilité du nouveau locataire, en le rattachant à la noble lignée des anciens maîtres du lieu.
Mais il s'agit là, typiquement, de la faute à ne pas faire.
On ne doit jamais se justifier, sauf en cas d'extrême urgence.
On a l'air, en pareil cas, de se reconnaître des torts.
Et qui plus est, des torts, en l'occurrence, qu'on n'entend pas corriger.
L'impression produite est désastreuse.
Et il ne faut jamais se réclamer de ce qu'ont fait les autres.
Le maître doit inspirer confiance par lui-même.
C'est son rôle.
Dans cet exercice, le prestige des prédécesseurs n'est d'aucun secours.
D'ailleurs, on n'explique pas ses actes par le seul fait qu'ils ont aussi été commis par d'autres.
Ce n'est pas sérieux.
C'est un argument d'irresponsable.
Alors qu'on occupe le poste en responsabalité.
Quant à réveiller le souvenir des maîtres d'autrefois pour asseoir sa propre légitimité, il s'agit d'une entreprise vouée à l'échec.
On croit restaurer son autorité, on ne fait que l'amoindrir.
Car on exprime alors un point de vue d'élève, le point de vue de ceux pour qui les maîtres sont des modèles.
On n'est plus l'origine et la source du pouvoir.
On se met à la place des administrés.
On copine.
Presque, on se laisserait tutoyer.
Dans un retour affreux aux pires errements d'après Mai 68.
Quelques commentateurs ont trouvé Sarkozy excellent pédagogue ce soir-là.
Je ne sais pas d'où ils tirent cette opinion.
Les sondages, dans leur ensemble, l'ont trouvé peu convainquant.
Comment peut-on être excellent pédagogue lorsqu'on ne convainc pas son public que ce que l'on raconte est vrai?
On voit que ces commentateurs, pourtant de droite, n'ont pas la culture du résultat.
Moi, j'ai trouvé qu'il avait fait des erreurs de jeune enseignant, soucieux de s'affirmer, mais au fond peu sûr de lui.
Déjà qu'il n'était pas commode.
Le risque qu'il soit, pour la France, un mauvais maître, s'entrevoit.
Comme une lueur d'espoir, diront les mauvais sujets, amateurs de chahut.
6 commentaires:
bonjour,
Bel exercice,
Propos et analyse pertinents
Bien vu
J'approuve
A suivre
geabel
Moi qui croyait qu'il n'y avait plus de PUB sur France Television
surtout qu'en plus de se justifier veulement, comme vous relever, il a commis au moins une confusion au pire un mensonge :
il ajouta pour clore le bec, "en plus c'est démocratique, il faut l'approbation des 3/5e de la commission de l'Assemblée et du Sénat concernées, donc il faut aussi l'opposition, voyez comme je suis un grand (auto-)démo-crate ! m'ame Dupont"...
hélas, trois fois hélas, que non, vautrage, (in_)volontaire : il faut tout au contraire, pour refus, les 375e des deux commissions, tel que statue la Constitution sur ce point.
rhââ, c'est trop bête, inverser les termes de la Constitution pour faire son argument de la mort qui tue (qui, donc ? )
Erreurs,approximations,bluff,coup
de la pochette surprise (suppression
de la taxe professionnelle),tout ça
avec une grande assurance devant des
journalistes hypnotisés-ils n'ont pas
oublié la claque donnée à Joffrin_
et bien ça donne quand même plus d'un
tiers de satisfaits après ce cours
magistral.
Putain! Ras le bol de l'association homosexualité et pédophilie... Combien de fois faudra-t-il le répéter?
Bel exercice M.Amate, la loi TEPA aurait pu se voir attribué le rôle de l'affirmation de départ qui en impose pour la suite mais passons, je n'arrive pas l'imaginer en prof!
En élève médiocre catapulté délégué de classe par dérision, je le trouve parfait par contre.
Le ridicule du personnage, son ambition de m'as-tu-vu, sa guerre à l'intelligence et son attachement mordicus à une idée fixe de néo-con méritent plutôt cette image, selon moi.
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