mercredi 10 septembre 2008

La Rentrée Sous De Sombres Augures


On lit dans l'Enseignant (organe mensuel du SE) daté du 3 septembre cette phrase en début d'éditorial :

Pour le SE-UNSA, la rentrée 2008 s’annonce sous de sombres augures.


Littré y aurait vu une légère incorrection.

Car si les présages peuvent exister d'eux-mêmes (rien ne peut changer qu'un chat noir soit un mauvais présage, par exemple),

les augures supposent un interprète pour être considérés comme tels.

(Exemple : quand on dit "les chats noirs de la CNT n'augurent rien de bon", tout dépend du point de vue où l'on se place.)

Les puristes affirmeront donc que le SE eût été mieux inspiré d'écrire "la rentrée s'annonce sous de sombres présages" (voire, si l'on y tient, "sous de sombres auspices").

Et bien, ces socratiseurs de diptères se trompent.

Jamais le SE-UNSA, défenseur par ailleurs des Lumières et de la laïcité, n'a versé dans la superstition.

S'il parle d'augures, c'est au sens historique du terme.

(N'oublions pas que les profs d'histoire sont légion au SE).

Quand à Rome on nommait ainsi les prêtres chargés de prédire l'avenir.

Et en effet, les sombres devins ne manquent pas en cette rentrée 2008.


D'abord, il y a Darcos.

(de l'anglais Dark, le côté obscur de la Force).

Qui nous avait prédit 11 200 suppressions de poste cette année.

Ce qui, implacablement, arrive.

Dans les collèges, surtout.

(Qu'écoles et lycées se rassurent : le gouvernement les épargne.)

L'année prochaine ça changera un peu : 13500 postes supprimés.

Mais principalement dans le primaire.

(Le secondaire pourra donc dormir tranquille.)

En 2010, on s'attaquera directement à la racine scolaire : les élèves.

On enlèvera des heures de cours aux programmes des lycées.

ce qui permettra de supprimer quelques milliers de profs encore.

De lycée, donc.

(Comme ça, les écoles et les collèges ne bougeront pas.)

Pour 2011 Darkos le Noir a, n'en doutez pas, quelques visions (il voit en tout 44 000 postes de moins).

Mais il ne nous dit rien encore.

(Il pense que d'ici là on aura pris l'habitude, et qu'il n'y aura pas de problème.)

Ainsi chaque corps de métier de l'Education Nationale sera tour à tour frappé par l'arrêt du destin, et nul n'en réchappera.

Car chacun restera seul au moment fatal.

Tel est notre avenir prédit par le ministre.


Etrangement, ces prédictions néfastes sont confirmées par les augures syndicaux.

Ils voient mal comment, cette année en tous cas, ils pourraient faire quelque chose.

Ainsi le secrétaire général de l'UNSA-Education Patrick Gonthier :

"on sent bien qu'il y a une réticence des collègues à aller tout de suite vers la grève. C'est pour ça qu'on ne veut pas faire une grève juste après la rentrée"

Or, remarquez-le, il avait senti cela dès le mois d'août (et peut-être même avant).

Grande est la puissance divinatoire de Patrick Gonthier.


Thierry Cadart (le secrétaire général du SGEN-CFDT) est également très fort.

Il avait aussi vu, dès le mois d'août, "une vraie difficulté de mobilisation".

Mais il connait parfois d'étranges insuffisances de clairvoyance.

A peine s'il distingue.

Je vous cite un exemple :

"La question principale, c'est de savoir ce qu'on fait alors que les actions développées avant les vacances n'ont pas fait bouger le gouvernement, d'où la difficulté à mobiliser"

Franchement, que des "actions développées avant les vacances" n'auraient "pas fait bouger le gouvernement", même moi je l'aurais vu.

Et bien Thierry, ça l'a surpris.

Du coup, il veut plus rien faire.

Il est découragé.

Comme quoi : petites causes, grands effets.


Et puis il y a le cas dramatique du secrétaire général de la FSU Gérard Aschieri.

Gérard, c'est tout le contraire de Thierry.

En dépit des mauvais augures, il veut tout de même y croire.

Combattre le mage Darcos.

Lutter.

Mais le voici qui erre, s'embrouille dans les prédictions.

Ainsi du 11 septembre 2008, qu'il voit avec des "formes diverses en fonction des situations locales: ça peut aller du rassemblement à la manifestation, voire à la grève", mais sans appel national à cesser le travail.

Il est désolant qu'un garçon autrefois si doué vaticine aujourd'hui des enseignants en grève, sans appel à cesser le travail.

Il sera nécessairement déçu.

Tellement déçu.

Il en va de même pour la prochaine "mobilisation d'ampleur" (ceux sont ses mots), du 19 octobre avec FSU, UNSA-éducation, FAEN, SGEN-CFDT, UNL, UNEF, FCPE et CRAP.

Que des gens bien, d'ailleurs (on n'y voit même pas SUD, FO ni la CGT).

Elle va pourtant décevoir Gérard, je le crains.

Elle ne va pas beaucoup mobiliser.

Ni susciter énormément de grèves.

Et qu'il ne vienne pas nous dire après que c'est la faute à pas de chance.

Il aurait pu vérifier la date.

Le 19, ça tombe un dimanche.

Comment n'a-t-il pas vu une chose aussi simple?


Mais je m'aperçois que moi aussi, j'augure, j'augure, et que le courage me quitte, face aux sombres présages.

J'ai honte;

en pensant à Gérard Aschiéri qui lui au moins continue d'espérer.

Malgré sa vue brouillée, il n'abandonne pas.

Lutter

Mobiliser.

Forcer le destin.

Faire mentir Darcos le Noir.

Il y croit encore, il ne lâche rien.

Car en décembre se déroulent les élections paritaires (triennales) de l'Education Nationale.

Et les lutteurs seront récompensés.

Surtout les lutteurs qui n'auront pas pu lutter.

Tant c'est dur à faire.

Car il ny a pas que les vindicatifs qui votent.

Il y a aussi les paisibles, auxquels il faut penser pour obtenir un maximum de voix.

Tel est le sens du sacerdoce de Gérard Aschiéri, Thierry Cadart, Patrick Gonthier.

Tel est le sens du combat syndical auquel ils nous convient : défiler un dimanche (espérons qu'il fasse beau), dans la deuxième moitié du mois d'octobre.


Et en janvier, me direz-vous, en janvier ne sera-t-il pas encore temps d'entamer une grève?

Et bien en janvier, vous connaissez le programme : il y a les élections européennes auxquelles participent même les petits vieux à la santé chancelante, que le moindre trouble affole, et qui ne sortent plus guère que pour se rendre aux urnes, parfois, le dimanche.

Il ne sera donc plus question de faire grève.

L'intérêt supèrieur des partis de gauche nous en empêchera.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

salut, gg,
Eh, oui, il faut le voir pour le croire: défiler un dimanche, fallait oser!
Déjà que Speedy a déclaré que plus personne ne remarquait les manifs, là, pour le coup, ça va être vrai.
Et les manifestants seront même repartis avant le retour de WE des Parisiens. Il faudrait défiler vers ND, on pourrait ainsi être pris en photo et finir encadrés quelque part au Japon ou ailleurs.
Nul n'est prophète en son pays, il paraît.

"Il y croit encore, il ne lâche rien" --> \o/ exactement ça!

Gérard Amate a dit…

Et la journée d'action du 11 septembre (2008, je précise)?
Maintenant qu'elle est passée.
Tu en as entendu causer, toi?
"Ils" nous vivent dans une réalité virtuelle, bien suffisante pour ce qu'ils ont à faire dans la vraie vie : partager le pouvoir.