samedi 27 octobre 2007

Les Aventures de François Chérèque (suite)


C'était en 2003.

A l'époque, François Chérèque signait plus vite que son ombre l'accord sur les retraites, et s'en allait par les télés pleurnicher dans sa barbe qu'il n'était pas un traître.

Au contraire.

C'était les autres (et Thibaud surtout, ce Ganelon), qui s'étaient dégonflés au dernier moment, et l'avaient planté seul.

A cause de tous ces grévistes déversés dans les rues (un vrai cauchemard).

Et qu'on n'arrivait plus à remettre au boulot (dans l'Education Nationale, la grève n'avait fini qu'avec l'année scolaire).

A l'époque, il n'en menait pas large, François (20% d'encartés en moins, les gens quittaient la CFDT par syndicats entiers).

Il n'allait plus dans les meetings (on craignait l'émeute)

Il évitait les manifs (si c'est pour se faire insulter, c'est pas la peine).

Bref, il en a bavé.

Mais de l'eau a depuis coulé sous les ponts.

Regardez aujourd'hui, par exemple.

A la SNCF, depuis 2003, il n'y a plus de cédétistes (les derniers qui restaient sont allés à Sud-Rail).

On pourrait se dire, tiens, sur ce coup-là (la grève des transports) François va fermer sa gueule (il est pas concerné).

Et bien pas du tout!

Non seulement François l'ouvre (sans syndiqués, il est encore plus à l'aise), mais il fait la leçon, distribue les bons points, définit les stratégies..

C'est lui le boss.

Sur LCI : « On voit bien que cette grève ne mène à rien. »

Bon, venant de François, ça n'a rien d'étonnant, mais il ne s'arrête pas là :

«Aujourd'hui, excusez-moi l'expression, mais on emmerde tout le monde pour pas grand-chose, on rend désagréable la vie de dizaines de milliers de personnes qui vont travailler, alors qu'en restant plus unis on est plus forts»

Car unis on peut déplacer des montagnes (et forts soulever le Mont-Blanc pour signer un accord).

Avez-vous noté la grosse différence entre 2003 et 2007?

En 2003, le signataire d'accords précipités (François himself) cassait l'unité des travailleurs en grève (et tout le monde lui en voulait beaucoup).

En 2007, c'est les grévistes qui brisent les pieds des « milliers de personnes qui vont travailler » et cassent l'unité syndicale (retrouvée dans le refus de faire vraiment grève).

Explications du même Chérèque, quelques instants plus tard sur France-Inter :

Certes, Sud-Rail mène la grève, mais « SUD est un mouvement d'extrême gauche allié à une démarche politique. »

Ce n'est donc pas un véritable syndicat (et la preuve : il appelle à la grève).

Tandis que « les autres syndicats, en particulier le plus puissant, la CGT, celui qui pèse le plus à la SNCF, choisissent une démarche raisonnable en débattant avec le ministre. » (et rendons à Chérèque ce qui lui appartient : l'introduction de la raison dans le syndicalisme, c'est lui).

Remarquez bien qu'il s'agit de débattre (avec le ministre), et non de négocier.

Comme quoi on peut faire ce qui se fait en politique (débattre) et rester un syndicat.

Et faire ce qui se fait dans le syndicalisme (grève) et être « un mouvement (...) politique. »

Car times are changing.

Prenez cette malheureuse affaire de retraites

« Cette démarche vers 40 ans se fera car le gouvernement ne reculera pas. », nous prévient François.

On voit tout de suite comme a changé le rôle des syndicats.

Autrefois ils s'opposaient à la détermination rapace du capitalisme (monopolistique d'Etat).

Aujourd'hui ils s'opposent seulement à ce l'Etat ne veut pas vraiment (voire pas du tout).

C'est plus raisonnable.

Sur ce terrain-là, François est un chef.

Un explorateur, le Conducatore des travailleurs.

Il dicte au syndicalisme français la Loi des temps nouveaux :

« Le travail syndical est d'obtenir des contreparties quand une réforme est inéluctable. »

Et ces contreparties, il nous les balançait sans fard, à propos des allègements de charges aux entreprises, par exemple

« Et donc, nous proposons qu'une partie de ces allégements de charges soit donnée aux entreprises en échange d'une évolution salariale, d'une formation et de l'investissement de la recherche pour créer des emplois qualifiés. »

Gageons qu'il y arrivera.

Puisqu'aussi bien, on apprenait dans la journée suivant ces déclarations qu'il s'agissait (aussi?) d'une proposition gouvernementale.

Sacré François!

Avec son air ahuri, la tchatche qu'il a!

Et a pas peur de balancer!

On l'a vu avec Sud(-Rail!), qu'il assimile à une secte des adorateurs de Lev Davidovitch (Bronstein).

On le voit avec la cégète (qui, tout en filant doux, agite ses gros bras et veut la ramener) :

« Je n'ai pas entendu, à ce jour, la CGT refuser l'harmonisation des régimes à 40 ans. » (Bien joué, François!)

Dès qu'on emmerde Chérèque, il court le dire à la télé.

Personne n'est épargné (il a ça dans le sang), pas même ses petits copains du patronat :

"Depuis des années, l'IUMM a réussi à faire passer des amendements à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Comment font-ils pour trouver des députés qui les soutiennent, et des majorités parlementaires, y compris contre l'avis du gouvernement ?".

Car la thèse de François Chérèque est la suivante, concernant la caisse noire de l'IUMM : elle servait à corrompre les hommes politiques (et non les syndicalistes).

Et presque on le croirait, tant sont nombreux les corrupteurs d'hommes politiques : pourquoi pas l'IUMM, en effet?

(comme on dit en économie, la demande appelle l'offre. Ou encore : un homme politique honnête est celui qui fait ce qu'il a promis de faire en acceptant son pot-de-vin.)

Presque on y croirait, si François, emporté par son élan, n'en avait rajouté une louche de trop.

Il s'expliquait, à ce propos, et en toute transparence :

« Nos recettes sont constituées à 73 % par des ressources internes, dont 46 % proviennent des cotisations(...) »

Or, justement, selon "Les syndiqués en France 1990-2006", étude conduite par les chercheurs Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, il ressort que la CFDT n’aurait que 450 000 adhérents (contre 800 000 officiellement).

Ces 350 000 cotises d'adhérents fantômes, il y a bien quelqu'un qui les paie, non?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

43% de 73%. Si j'ai bon, 33% des recettes proviennent des cotisations.

Et le reste ?

Gérard Amate a dit…

En effet...
L'explication syndicale est que ces universitaires se vautrent en plein délire.
A part ça, comme tu as vu, ça commence à balancer, à la CFTC et à la CGT.

Anonyme a dit…

Interesting to know.